Marketing

Une stratégie de vente axée sur les travailleurs

par Catherine C. Cole

En avril 1911, tout juste trois mois après sa constitution en société, la Great Western Garment Company (GWG) appuie la syndicalisation de ses travailleurs sous la bannière des United Garment Workers of America (UGWA), car elle veut apposer l'étiquette syndicale sur ses produits et pousser ses ventes auprès d'autres travailleurs syndiqués. Cette étiquette revêt donc une importance cruciale tant pour GWG que pour la Section locale 120.

Étiquette syndicale Publicité pour des produits de fabrication syndicale Lors des rencontres avec l'Edmonton Trades and Labour Council et avec l'Alberta Federation of Labour, les syndiqués encouragent les autres travailleurs syndiqués à acheter des produits GWG justement parce que ceux-ci ont une étiquette syndicale. Par exemple, le procès-verbal d'une réunion syndicale de la Section locale 120 en 1914 indique que les peintres n'ont pas acheté de produits GWG. La Section locale 120 répugne à appuyer d'autres sections locales qui n'encouragent pas GWG. Les employés de GWG sont eux-mêmes incités à se fournir auprès des entreprises qui emploient une main-d'oeuvre syndiquée.

Publicité s'adressant aux syndiqués Très fière des conditions de travail qu'elle offre à ses employés, GWG utilise cette photo pour des publicités dans divers magazines et journaux dont Farm and Ranch Review, Farmer's Advocate and Home Journal et Alberta Labour News. Le message est chaque fois légèrement différent et modulé en fonction des lecteurs. La publicité parue dans l'Alberta Labour News insiste sur le fait que les vêtements GWG sont fabriqués « par des travailleurs intelligents bénéficiant d'excellentes conditions de travail, en collaboration avec une direction convaincue que les employés ont droit à leur part équitable des profits. » L'annonce fait appel à la solidarité syndicale dont elle souligne l'importance : « Syndiqués, tenez vos engagements et exigez de votre marchand des salopettes, des chemises et des pantalons GWG. »

Dans une série d'annonces placées dans des publications régionales, GWG associe l'industrie du vêtement à d'autres industries importantes de l'Ouest canadien et fait appel aux travailleurs de ces industries en établissant une parenté avec sa propre main-d'oeuvre. Cette publicité précise : « Les mineurs de charbon sont les ouvriers les mieux payés dans l'Ouest, et ils se fournissent presque exclusivement chez The Great Western Garment Company. En retour, ils exigent que leurs tenues de travail aient les critères d'endurance qu'on trouve uniquement dans les vêtements GWG. »

Publicité s'adressant aux mineurs Publicité s'adressant aux travailleurs Les premières publicités de GWG visent les fermiers, les mineurs, les bûcherons, les cheminots et les mécaniciens - une population de travailleurs largement syndiquée. Lillian Morris, opératrice et ardente syndicaliste chez GWG dans les années 1920 et 1930, se souvient d'être allée à Lethbridge pendant la crise des années 1930 vêtue d'une salopette d'homme pour mousser l'achat d'articles de fabrication syndicale auprès des travailleurs syndiqués de cette ville.

Publicité GWG pour des salopettes de charpentier Publicité pour des vêtements de travail féminins
Les pages des catalogues de GWG présentent souvent des vêtements adaptés à différents emplois précis, soulignant chaque fois les qualités requises pour ces métiers. Par exemple, les menuisiers et les peintres portent des salopettes blanches aux genoux renforcés, munies de nombreuses poches et boucles permettant de loger des règles, des outils et des pinceaux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, tandis que les femmes sont de plus en plus présentes dans les emplois industriels, réparant par exemple des avions, GWG annonce des sarraus et des pantalons spécialement conçus pour elles.

Publicité pour des vêtements de travail masculins GWG s'adresse à d'autres travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Cette publicité parue en 1945 dans The Country Guide met en scène des hommes exerçant toutes sortes de métiers allant de la construction de routes à la production de céréales, en passant par l'élevage laitier, l'élevage bovin, la pêche, la construction et la prospection pétrolière. Le message est clair : quel que soit votre métier, GWG a la chemise qu'il vous faut. L'accent est mis sur le style, la fonction et la qualité, non sur la personne qui a confectionné la chemise.

Présentation d'étiquettes syndicales Le pouvoir d'attraction de l'étiquette syndicale auprès des autres syndiqués décline peu à peu dans les années 1950 et, au début des années 1960, GWG estime que le coût des étiquettes n'est plus justifié. Parce que le siège des UGWA à New York en interdit la fabrication au Canada, ces étiquettes doivent être imprimées aux États-Unis et importées à fort prix. Entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, tandis que se poursuit le débat sur l'étiquette syndicale, GWG incorpore les mots « union made » [fabrication syndicale] dans ses propres étiquettes, au-dessus des initiales « GWG », éliminant le besoin d'une étiquette syndicale distincte.

Dans les années 1950 et au début des années 1960, GWG élargit son marché au Canada et cible une vaste gamme de travailleurs autres que ceux de l'Ouest canadien. Ici, GWG insiste sur « les qualités d'un vêtement plus résistant et d'une coupe parfaite, que les Canadiens de tous milieux connaissent et apprécient aujourd'hui », note que « les Canadiens sont plus nombreux à porter des vêtements de travail GWG que n'importe quelle autre marque » et constate : « Voilà des mots qui sont un signal d'achat pour la plupart des familles canadiennes ». À la même époque, les catalogues de GWG insistent sur la qualité, la coupe et la durabilité des vêtements et non plus sur l'étiquette syndicale. Publicité GWG avec des pêcheurs Publicité GWG avec des géomètres Publicité GWG avec des travailleurs de chemin de fer

Pour en savoir plus sur le thème du pionnier comme stratégie de vente