Marketing

GWG et le rodéo

par Cathy Roy

Bannière publicitaire Au milieu des années 1940, la Great Western Garment (GWG) jouit d'une excellente réputation pour la qualité de confection et la solidité des vêtements qui sortent de ses usines. Un segment du marché de l'Ouest continue toutefois de lui faire défaut : celui des cow-boys. GWG se lance donc dans une campagne de publicité et de commandites dans l'espoir de l'emporter.

GWG et les cow-boys

En 1944, la Cowboy's Protective Association a décidé de prendre l'administration des rodéos en main pour améliorer les conditions de travail des cow-boys et protéger ceux-ci contre les pratiques déloyales des organisateurs. Privée du financement de ces derniers, elle se met à la recherche de commanditaires commerciaux. C'est ainsi que GWG appuiera de façon déterminante les rodéos de l'Ouest canadien dans les années 1950, 1960 et 1970, fournissant des prix pour les grands événements, distribuant des couvertures de programmes aux comités organisateurs et annonçant des produits pour lesquels les champions du rodéo font office de mannequins dans des périodiques tels que The Country Guide et le Star Weekly de Toronto. GWG offre aussi des vêtements échantillons aux concurrents de rodéo.

Parmi les as de la voltige figurent les Daring Dewar Sisters. En 1950, GWG leur offre chacune trois tenues qu'elles doivent porter pour les épreuves de manière à se faire remarquer dans le circuit des rodéos. La pratique est renouvelée tous les ans. L'une des deux, Claire Dewar Roberts, se souvient qu'elle aimait bien travailler avec l'équipe de GWG mais trouvait les vêtements mal coupés. Dans le marché des cow-boys, GWG affrontait la concurrence de Wrangler. Or, raconte Claire, les Wranglers « étaient tellement mieux ajustés ». Non seulement Claire devait-elle reprendre les chemises de GWG pour leur donner une certaine forme, mais elle flottait dans les pantalons au niveau du postérieur. Une illustration du catalogue GWG de 1950 montre justement un de ces jeans baggy, « spécialement conçus pour les femmes », dit-on. Une fermeture boutonnée sur le côté au lieu de la fermeture à glissière devant paraît être la seule concession à la féminité. Avec toute cette amplitude au niveau des hanches et des cuisses, le pantalon qu'on propose aux femmes pour monter à cheval ressemble davantage à la salopette Red Strap qu'au pantalon Cowboy King.

Publicité pour GWG présentant le Stampede de Calgary Publicité pour GWG présentant le Stampede de Calgary L'examen attentif des photos d'archives et des annonces imprimées révèle bien ce problème de coupe. Une publicité parue en juin 1946 dans The Country Guide montre cinq concurrents dans des poses décontractées devant leur chariot bâché, avec la légende : « photographie authentique prise au Stampede de Calgary de 1945, champions équipés pour la course ». Ils n'ont aucunement l'élégance que le dessinateur confère à Frank Duce et Carl Olson (« la paire championne ») dans le Country Guide de juin 1948. Il nous les montre fixant l'objectif (ou plutôt le dessinateur) le regard en coin pendant une pause cigarette au Stampede de Calgary, vêtus de chemises certes amples - comme le veut la mode des années 1940 -, mais surtout de jeans à taille basse impeccablement tirés dans leurs bottes. Dans le Country Guide de juin 1951, le témoignage publicitaire d'un cavalier du rodéo de Calgary, Earl Hill, insiste sur la « robustesse » et la « durabilité » du Cowboy King. L'annonce fait la promotion du Stampede de Calgary et illustre de vrais cow-boys, encore ici vêtus de chemises et de jeans à coupe ample.

Hommes en Cowboy Kings en train de marquer le bétail Publicité mettant en vedette Gordon Earl Cette photo datée de juin 1954 présente des ouvriers à l'oeuvre sur un ranch. Leurs jeans GWG tirebouchonnés ont des jambes beaucoup trop longues - tout un contraste avec la publicité pour la marque Cowboy King parue dans le Star Weekly de Toronto qui met en vedette Gordon Earl, le champion canadien toutes catégories au Stampede de Calgary de 1953. Adossé à la barrière du corral, à côté de la selle qu'il a reçue en trophée, Earl porte un jean ajusté sans être tout à fait étroit ; la taille est haute, mais adaptée à son physique athlétique. La veste Cowboy King accentue sa carrure. Au bas de l'annonce pleine page, un couple danse, vêtu de Cowboy Kings très ajustés (« swingez » votre compagnie après le rodéo ?). Visiblement, GWG embellit la coupe pour mieux vendre le vêtement.

Photo de Bob Robinson en Cowboy Kings En 1956, Bob Robinson remporte la selle remise au vainqueur de l'épreuve canadienne de monte de cheval sauvage. Cette photo le montre habillé d'une chemise et d'un jean Cowboy King bien coupés, une veste en denim sous le bras. Robinson se souvient qu'il avait pu choisir lui-même le jean pour la photo. Selon lui, les jeans GWG montaient plus haut à la taille que les Wranglers, les préférés des cow-boys. Bob Robinson a fait carrière à la fois dans les arènes des rodéos et dans le secteur des ventes. Il a notamment travaillé comme représentant de commerce pour Levi, Wrangler et GWG.

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Bob Robinson évoque l'attrait de GWG pour les cowboys (1:50)

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Photo de jeans Spécialiste des ventes et du marketing chez GWG pour y avoir travaillé de 1955 à 1977, Don Freeland était capable d'analyser la coupe d'un jean en découpant point par point les coutures d'un Wrangler pour comparer les pièces à celles d'un GWG. Par rapport aux jeans GWG, la taille des Wranglers était un peu plus basse et la couture allant de la fourche à la taille suivait une courbe plus accentuée ; cette coupe permettait de mieux bouger tout en moulant le postérieur. En fait, les stylistes de GWG n'avaient jamais vraiment modifié la courbe à 45 degrés qui caractérisait, en 1911, les premiers pantalons de travail. Le confort et l'ampleur offerts par une taille haute et ce type de couture arrière faisaient tout à fait l'affaire des ouvriers agricoles et autres, mais ceux des ranchs, hommes ou femmes, soignaient leur apparence et recherchaient un style plus moderne.

GWG, commanditaire des rodéos de l'Ouest

Couverture de programme de rodéo Les annonces de GWG s'adressaient aux cow-boys et aux fervents de rodéos. Les programmes de ces événements révèlent le rôle de commanditaire que l'entreprise jouait par le biais de la publicité. GWG offrait des couvertures imprimées aux rodéos locaux qui n'avaient plus qu'à inscrire leur nom sur le dessus et la liste des événements à l'intérieur. Ce programme d'un rodéo organisé dans la petite localité de Hanna, en Alberta, renferme une annonce montrant Tom Bews, champion canadien toutes catégorie de 1966, et sa femme Rosemary Bews, tous deux vêtus de Cowboy Kings.

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GWG fournissait des selles décernées en trophées dans les rodéos partout dans l'Ouest. Dans les années 1950, ces selles étaient distribuées par Riley & McCormick. Celle-ci, fabriquée par Cloverbar Saddlery, est la selle remise à Jim Reinbold de Provost (Alberta), champion de la Saskatchewan en monte de cheval sauvage, lors de l'épreuve organisée en 1967 par la Saskatchewan Amateur Rodeo Cowboys' Association à Swift Current.

Publicité pour GWG dans le programme du Stampede Publicité pour GWG dans le programme du rodéo Publicité pour GWG dans le programme du rodéo GWG offrait des prix pour des événements majeurs, par exemple au Calgary Exhibition and Stampede organisé du 8 au 13 juillet 1957, le trophée spécial remis aux vainqueurs de la course de chariots et celui de l'épreuve junior de monte de bouvillons sauvages. Dans les années 1970, GWG a aussi parrainé pendant trois ans les finales canadiennes de rodéo. Ce programme du deuxième Canadian National Finals Rodeo (CNFR) annuel de 1975 organisé au nouveau Colisée d'Edmonton indique que le commanditaire des principaux prix est GWG, qui s'annonce en quatrième de couverture comme « fabricant du jean officiel de la CNFR ». Quatre ans plus tard, en 1979, GWG a visiblement réduit ses commandites aux finales canadiennes de rodéo. La publicité de GWG à l'intérieur de la couverture présente des postérieurs de cow-boys et de cow-girls en jeans moulants. Le prix offert semble se résumer à une montre-bracelet d'une valeur de 150 $. Une entreprise de vêtements concurrente, Three Bars, s'annonce comme « commanditaire des rodéos professionnels ».

Boucle de ceinture Présentation GWG dans une vitrine de magasin Cette boucle de ceinture d'enfant indique que son propriétaire est membre du Bunkhouse Bunch, un club parrainé par le grand magasin Woodward, par GWG et par les Canadian Finals Rodeo. La boucle pourrait être le souvenir d'un club d'admission à tarif réduit pour enfants. C.N. « Chunky » Woodward a été membre de la Canadian National Finals Rodeo Commission dans les années 1970. Cette image d'archives présente une vitrine de Woodward en 1953 où sont mis à l'honneur les vêtements GWG « offerts... au cow-boy ayant remporté le championnat toutes catégories du rodéo d'Edmonton ».

Le cow-boy chantant de GWG

Portrait de Stu Davis À la fin des années 1940, Stu Davis, le « cow-boy troubadour du Canada », commença sa carrière de chanteur compositeur en se faisant connaître comme le « cow-boy chantant » de GWG. GWG commanditait alors une émission quotidienne de 15 minutes produite à CJCA Edmonton et diffusée à Regina, Calgary et Edmonton. L'almanach de 1948 de GWG présente une image de Stu Davis et trois pages de paroles intitulées « The songs Stu Davis sings ». Le slogan du jean Iron Man figure au verso.

Conclusion

GWG a déployé des efforts concertés pour accoler à ses produits l'image séduisante de cow-boys et de cow-girls. Dans ce but, elle a créé des annonces publicitaires et offert des marchandises et des commandites généreuses pour soutenir le rodéo dans l'Ouest canadien. Toutefois, malgré l'aide opportune qu'elle a apportée à ce sport, ses styles de vêtements n'ont pas été à la hauteur des attentes dans le domaine de la mode cow-boy tant que la concurrence ne s'est pas généralisée.

Pour en savoir plus sur GWG et le marché canadien-français