La main-d'oeuvre

La main-d'oeuvre de GWG avant la Seconde Guerre mondiale

par Catherine C. Cole

Vue intérieure de L'usine Au début des années 1900, la population d'Edmonton comprend des Amérindiens, des Métis, des Canadiens français, des Écossais, des Britanniques, des Gallois, des Scandinaves, des Allemands et des Américains. La plupart des immigrants à l'époque sont anglophones, mais il y en a quand même beaucoup, fraîchement débarqués d'Allemagne, de Scandinavie, de Russie, d'Ukraine, d'Autriche, de Pologne ou d'Italie, qui ne parlent pas l'anglais. La création de la Great Western Garment Company (GWG) coïncide avec une baisse dans les quotas d'immigration attribuable à Frank Oliver, fondateur de l'Edmonton Bulletin et ministre fédéral de l'Intérieur, qui cherche à apaiser les tensions raciales attisées par l'entrée massive de nouvelles ethnies.

L'immigration pendant l'Entre-deux-guerres

Annonce d'emplois Peu d'immigrants entrent au Canada pendant la Première Guerre mondiale. Après la guerre, le gouvernement fédéral resserre encore davantage les critères d'accueil à cause d'un ressentiment contre les étrangers. En 1919, une nouvelle loi officialise des directives fondées sur la race et la culture et autorise le gouvernement à refouler les immigrants dont il juge les convictions idéologiques inacceptables.

Les restrictions visant les émigrés d'Allemagne, d'Autriche et d'autres pays ennemis pendant la Première Guerre ne seront levées qu'en 1923. La même année, la Loi de l'immigration chinoise empêche désormais la venue des Chinois et le pays reste fermé aux Italiens de 1919 à 1939.

En 1925, les Chemins de fer nationaux du Canada et le Canadien Pacifique se font confier le recrutement de travailleurs agricoles européens pour peupler l'Ouest canadien. Entre les deux guerres, l'Alberta recense 71 868 d'origine ukrainienne ; un grand nombre d'entre eux se sont installés en bloc au nord-est d'Edmonton. Au début de la crise économique en 1930, le Canada n'admet plus que les immigrants qui ont les moyens de s'établir comme fermiers et d'assurer leur propre subsistance. L'année suivante, il ferme ses portes à toute immigration en provenance d'Europe continentale et ne laisse plus passer que l'immigration britannique, voire américaine.

L'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938 provoque une vague de réfugiés politiques qui déferle au Canada. Les critères d'immigration sont à nouveau resserrés pendant la Seconde Guerre mondiale. Le 10 juin 1940, l'Italie déclare la guerre au Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) restreint la liberté d'action des Italiens du Canada.

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Anne Ozipko décrit l'expérience pionnière des immigrants ukrainiens (1:04)

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La main-d'oeuvre immigrée de GWG avant et pendant la Seconde Guerre mondiale

Vue intérieure de L'usine Avant la Seconde Guerre mondiale, la main-d'oeuvre de GWG est majoritairement anglophone. Certes, certains sont d'origine ukrainienne ou scandinave, mais la plupart parlent anglais même si ce n'est pas la langue maternelle de leurs parents. La situation évolue considérablement pendant la guerre : de 1939 à 1941, GWG double les embauches. L'usine emploie alors 500 ouvriers dont beaucoup sont des immigrants récents. Les ouvrières nées au Canada sont souvent embauchées, pour leur part, à peine sorties de l'école ou fraîchement débarquées de la campagne. Certaines travaillent pour appuyer l'effort de guerre, d'autres pour se montrer solidaires d'un mari ou d'un fiancé parti au front.

Souvenirs d'usine

Fille d'immigrants anglais et native d'Edmonton, Emily Waggott a travaillé à l'usine GWG de 1929 à 1931. Elle se rappelle y avoir côtoyé des Suédoises, des Ukrainiennes et des Italiennes. Nellie Engley, fille d'immigrants ukrainiens, a travaillé à l'usine de 1938 à 1946 et croit se souvenir que « les filles venaient de partout ». Helen Allen, qui était là de 1939 à 1942, a l'impression que la plupart étaient d'Edmonton, mais qu'il y avait parmi elles des immigrantes italiennes. Selon elle, ces immigrantes avaient un sens du travail plus aigu. « Elles ne prenaient même pas le temps d'aller aux toilettes. Elles se donnaient à fond. »

Norah Hook a grandi à Paxson, à l'est d'Athabasca. Embauchée en 1940, à peine âgée de 17 ans, elle se souvient que beaucoup de ses compagnes ne parlaient pas anglais. Beulah Williams, qui a travaillé au repassage puis à la coupe de 1942 à 1947, affirme au contraire que la plupart étaient anglophones. Anne Ozipko est venue d'Ukraine en 1943 avec ses parents qui ne voulaient pas voir leur fils aîné se retrouver sous les drapeaux russes. Elle a grandi dans la région de Boyle et a été opératrice de machine chez GWG pendant quelques années avant de fonder une famille. Selon elle, il y avait « des Ukrainiennes, des Italiennes. Très peu parlaient anglais. Tout le monde parlait sa langue. »

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Assunta Dotto compare la vie en Italie (1:10)

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Photo de femmes qui se promènent dans la rue Assunta Peron (aujourd'hui Assunta Dotto), une immigrante italienne qui a passé deux ans à l'usine de 1943 à 1945, affirme que c'était une source de bons emplois pour les immigrants pendant la guerre et même après, parce que, dit-elle, « on n'arrivait pas à trouver de travail autrement ». Même si les Canadiennes de souche trouvaient souvent à redire, GWG a été pour elle une sorte de « bouée de sauvetage » qui lui a donné un élan pour la vie. Le père d'Assunta avait émigré en Alberta en 1906, et travaillait dans les mines de charbon. Il rentra en Italie pour se marier puis revint au Canada en 1923, comptant y faire venir sa famille dès que ses moyens le lui permettraient. Assunta avait 8 mois. Elle ne le retrouva au Canada qu'à 16 ans, en 1939, à cause des restrictions sur l'immigration. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme tant d'autres immigrants italiens, Assunta a dû fournir ses empreintes digitales, s'enregistrer, conserver par-devers elle une carte d'identité et se présenter tous les mois à la GRC. Après quelques mois, raconte-t-elle, un des agents de la GRC lui a demandé ce qu'elle faisait là. Elle lui a répondu qu'on lui avait dit de se présenter. « Alors, il est parti à l'arrière du bureau, raconte-t-elle, il a mis un tampon sur ma carte et il m'a dit : 'tu n'as plus besoin de revenir' ».

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