L'histoire de la GWG

La Great Western Garment Company à Brantford

par Catherine C. Cole

L'histoire de la Great Western Garment (GWG) à Brantford commence avec l'achat, en août 1965, de la Kitchen-Peabody Garments Limited, une entreprise dont les débuts font beaucoup penser à ceux de GWG. Les deux entreprises sont nées en 1911, ont des employés syndiqués affiliés aux United Garment Workers of America (UGWA), déménagent à plusieurs reprises avant de s'installer en 1917 dans une usine qu'elles continueront d'occuper jusqu'aux années 1950 et prospèrent pendant les deux guerres mondiales grâce à la fabrication d'uniformes militaires.

La Kitchen Overall and Shirt Co.

Portrait de Kitchen Créée par Charles E. Kitchen et Luther Whitaker, la Kitchen Overall and Shirt s'installe dans un premier temps rue Dalhousie mais déménage rapidement au 11 Queen Street, dans l'édifice Cockshutt. Deux ans plus tard, J.F. Kitchen rachète la part de Whitaker. L'entreprise s'agrandit et déménage en 1917 dans l'ancienne fonderie Buck, qui occupe 2044 m2 (22 000 pi2) sur West Street. Avec son slogan, Wears Like a Pig's Nose [littéralement, « aussi inusable qu'un nez de cochon »], elle devient célèbre pour sa salopette Railroad Signal et ses chemises de travail.

En 1924, la Kitchen achète Peabody's Ltd., ainsi que la Leather Label Overall Company of Windsor, et déménage une partie des équipements dans une usine de la rue Clarence. Au fil des ans, elle acquiert plusieurs autres fonds de commerce, entre autres Waterloo Shirts. En 1926, avec un effectif de 200 personnes, son chiffre d'affaires atteint 800 000 $ pour l'année. En 1927, C.E. Kitchen meurt tragiquement dans un accident de la route et son frère, Frank, reprend les rênes de la société ; en 1939, Frank cède sa place à Bruce R. Kitchen qui aura pour tâche d'aider l'entreprise à surmonter les années noires de la guerre. En 1946, la Kitchen est rachetée par Howard D. Daniels et A. Bradshaw and Sons Ltd. de Toronto. Daniels, le nouveau président-directeur général, est très populaire auprès des ouvriers de l'usine. En 1949, les ouvriers se syndiquent et l'usine devient la Section locale 551 du syndicat des Travailleurs amalgamés du vêtement d'Amérique (TAVA).

Vue intérieure de L'usine Vue intérieure de L'usine

Le recrutement est largement affaire de famille pendant toute l'histoire de Kitchen. Harry Lloyd qui, après avoir fait ses débuts dans l'atelier de coupe en 1949, devint directeur de l'usine au milieu des années 1970, se souvient qu'il était encore presque en culotte courte lorsque sa mère, qui travaillait à l'usine, l'avait saisi par le collet en lui disant « J'ai un emploi pour toi ».

Vue extérieure de L'usine Portrait d'une femme Portrait d'un homme

En septembre 1955, la Kitchen Overall and Shirt emménage dans une usine trois fois et demie plus grande - l'ex-usine Spalding de 6700 m2 (72 000 pi2) - située au 5 Edward Street. Le manufacturier, qui compte maintenant 150 ouvriers, envisage de doubler sa main-d'oeuvre. Bien que les relations entre la direction et les travailleurs aient été généralement bonnes, 186 ouvriers débrayent illégalement en février 1959 pour une demi-journée à cause d'un différend concernant la rémunération à la pièce. Le syndicat les persuade de reprendre le travail tandis qu'il négocie de nouveaux tarifs. Les ouvriers sont payés en liquide jusqu'au jour où, en 1960, Ben McLaughlin se fait voler la paie des employés, soit la somme rondelette de 6400 $. À compter de cette date, l'employeur opte pour les chèques.

Groupe d'hommes à l'extérieure de L'usine Tablier de menuisier

Un changement de nom : Kitchen-Peabody

En septembre 1962, l'entreprise est rebaptisée Kitchen-Peabody Garments Limited pour souligner le fait que les salopettes ne représentent plus qu'une fraction de sa production. Rachetée en août 1965 par GWG, elle conserve d'abord sa raison sociale et sa propre direction. À l'époque, l'usine emploie entre 250 et 300 personnes. Un groupe d'employés de Kitchen-Peabody et de GWG tente de mettre la main sur l'entreprise, mais J. G. Godsoe, président de GWG, alerte Levi Strauss. Celle-ci, déjà principale actionnaire de la Great Western Garment depuis 1961, s'empresse de réunir les capitaux et acquiert la Kitchen-Peabody.

Un nouveau cap avec GWG

Portrait d'une femme Sous l'instigation du nouveau propriétaire, les chaînes de montage et les ateliers de fabrication de chemises et de pantalons sont réorganisés, et les ouvriers invités à suivre une formation pour augmenter leur productivité grâce aux procédés de fabrication extrêmement mécanisés qui ont déjà cours chez GWG.

En 1968, Kitchen-Peabody devient Great Western Garment Co. (Brantford) et Mike May, qui travaille à l'usine depuis 1924, est nommé directeur général. Quelques années plus tard, l'usine fabrique non seulement des vêtements de travail pour hommes, mais aussi des vêtements décontractés pour femmes et enfants. En 1970, 50 % des vêtements sont fabriqués en Koratron, un tissu infroissable et non salissant.

Personnel de bureau En 1970, l'usine de Brantford est rebaptisée GWG (Eastern) Limited et emploie 300 femmes. GWG automatise la production en installant, dès qu'elles apparaissent sur le marché, les machines dernier cri comme celles qui placent et tranchent le tissu automatiquement, étalent le tissu ou mettent les poches en place. Le roulement de personnel y est élevé malgré un bon noyau d'employées de longue date. Selon Brenda Bridgewater, chef d'équipe à cette époque et chargée de la formation des nouvelles opératrices, « il n'était pas rare qu'elles disparaissent à l'heure de la pause et ne reparaissent plus ». GWG s'efforce de répondre aux besoins des travailleuses et de leurs familles, autorisant à l'occasion une opératrice à travailler de nuit à la surjeteuse sur des poches coupées, mais la chaîne de montage n'accorde pas à tout le monde cette même liberté.

En 1972, en plus des 375 ouvrières à l'usine de la rue Edward, GWG en embauche 150 autres qu'elle loge dans une nouvelle usine de 2555 m2 (27 500 pi2) construite sur commande rue Elgin. Elle achète également le terrain adjacent en prévision de sa future expansion. Pour inaugurer l'usine, en janvier 1973, le rite traditionnel qui consiste à couper le ruban est remplacé fort à propos par l'ouverture d'une fermeture à glissière. L'usine est la première de Brantford à être climatisée. Vers la même époque, une subvention de 100 000 $ accordée à GWG par la Société de développement de l'Ontario soulève un tollé lorsque la population se rend compte qu'elle a été versée à une société américaine.

Au début, l'usine de la rue Edward fabrique des vêtements tout-aller et celle de la rue Elgin, des jeans. À l'instar de l'usine d'Edmonton, les usines de Brantford s'annoncent dans plusieurs langues et embauchent de nombreuses immigrantes ; les films de formation aplanissent la barrière linguistique. Les emplois sont relativement stables, malgré quelques mises à pied ponctuelles dans les années 1970 dues à des pénuries de denim ou à des réductions d'inventaire. En 1975, les 137 employés de la rue Elgin débrayent toute une journée pour protester contre la façon dont leurs contrats ont été ratifiés et obtiennent la reprise des négociations. En 1976, les TAVA fusionnent avec les Textile Workers Union of America (TWUA), pour former l'Amalgamated Clothing & Textile Workers Union (ACTWU).

employés qui jouent au baseball Affiche cartonnée

En 1978, la GWG (Eastern) Limited change son nom en GWG Limited. L'engagement communautaire de GWG à Brantford lui vaut le respect. Créées en 1978, ses équipes de participation communautaire amassent des fonds pour de nombreuses causes, tant à l'échelle locale qu'internationale. En 1979, les usines de Brantford comptent environ 500 travailleurs. Celle de la rue Edward a cessé de produire des chemises, vestes et pantalons de travail et commencé à confectionner des jeans - ultime étape avant sa fermeture. À la même époque, GWG lance sa campagne « J'ai grandi avec GWG » qui met en vedette le jeune Wayne Gretzky. Gretzky, qui habitait la porte à côté de chez Harry Lloyd, directeur de l'usine de la rue Edward, n'a pas seulement grandi avec GWG. Il y a aussi travaillé brièvement comme commis de plancher, à distribuer les ballots de vêtements.

Levi Strauss Canada Inc.

Vue intérieure de L'usine Propriétaire à part entière de GWG depuis 1972, Levi Strauss reprend la gestion des usines de Brantford en janvier 1980. Depuis San Francisco, Peter Haas appuie l'expansion de l'usine de la rue Elgin après avoir constaté les conditions de travail déplorables dans celle de la rue Edward. Levi Strauss achève ce projet de 2,1 millions $ en 1981. Avec une surface de 9755 m2 (105 000 pi2), la nouvelle usine est quatre fois plus grande que l'ancienne. Lorsque l'entreprise décide d'abandonner la confection de vêtements tout-aller pour se lancer dans l'univers de la mode, elle ne parvient pas à établir ses prix et les ouvrières, qui s'adaptent mal aux nouvelles machines, déclenchent une grève illégale. Moins d'un an après, l'usine va fermer ses portes et licencier ses 268 employés.

En mai 1981, Levi Strauss inaugure à Brantford un centre de finition, au 70 Easton Street. En 1984, elle licencie 85 travailleurs à l'usine d'Edmonton et regroupe à Brantford toutes les opérations de finition des vêtements fabriqués dans les usines Levi Strauss Canada et GWG à Edmonton, Stoney Creek et Cornwall. Plusieurs employés choisissent de déménager pour suivre leur emploi jusqu'à Brantford.

Si les travailleuses de la nouvelle usine de finition n'ont plus à craindre de se couper les mains ou de se planter des aiguilles dans les doigts, elles ne sont pas à l'abri de tous les dangers. En janvier 1990, un déversement d'acide sulfurique libère de l'hydrogène aux vertus explosives. Deux ans plus tard, le chlore est accidentellement mélangé à un produit chimique non identifié et, en septembre 1997, une erreur du même genre fait exploser une citerne de chlore et endommage le toit. Heureusement, les dégâts sont minimes : cinq employés sont hospitalisés, mais aucun n'est grièvement blessé. L'usine rouvre ses portes quelques jours plus tard.

En 1990, les travailleurs immigrés composent 40 % de la main-d'oeuvre de Levi Strauss Canada. Les deux usines de Brantford offrent des cours d'anglais qui portent surtout sur les manuels de sécurité, les contrats syndicaux et autres documents reliés au travail. Les ouvriers y consacrent une demi-heure de leur pause repas ; l'entreprise ajoute une demi-heure de salaire. Les cours sont offerts dans un premier temps par le Mohawk College, puis par le Conseil scolaire du comté de Brant.

L'usine s'agrandit en 1995 et devient, avec une surface additionnelle de 2044 m2 (22 000 pi2), le deuxième employeur en importance de Brantford. Elle fonctionne à plein temps, 24 heures par jour et sept jours par semaine. En 1997, elle emploie 468 travailleurs, qui font partie du Syndicat du vêtement, textile et autres industries (SCTI) formé par la fusion de l'Amalgamated Clothing and Textile Workers Union et de l'International Ladies Garment Workers Union.

Fermeture de l'usine

En 1993, Levi Strauss réduit ses activités de 40 % et met à l'essai pendant six semaines un programme de partage d'emploi : les employés travaillent trois jours et sont au chômage les deux autres. À la suite d'une grève de cinq mois à l'usine de Stoney Creek en 1995, de nouvelles mises à pied ont lieu à l'usine de Brantford. La mode des jeans de couturiers et des marques de magasin réduit la popularité des Levi's ; l'entreprise ferme 11 usines aux États-Unis en novembre 1997 et licencie quelque 6400 employés. Les usines canadiennes ne sont pas immédiatement touchées, et Levi Strauss promet de ne pas déplacer la production vers ses usines du Mexique ou du Sud-Est asiatique. L'année suivante, 200 employés seront pourtant mis à pied à Brantford tandis que les usines de Cornwall et de Stoney Creek ferment temporairement leurs portes, la première fois pour 58 jours et la seconde 23. Avec 250 employés, la main-d'oeuvre est réduite de moitié. De 1999 à 2002, 17 autres usines d'Amérique du Nord, dont celle de Cornwall, mettent fin à leurs activités tandis que Levi Strauss abandonne petit à petit son rôle de propriétaire-exploitant.

Quatrième de couverture En septembre 2003, Levi Strauss annonce la fermeture du centre de finition de Brantford et de ses usines de Stoney Creek et Edmonton. Les raisons invoquées sont la perte de contact avec le marché des jeunes, l'incapacité de l'entreprise à concurrencer le faible coût de la main-d'oeuvre des pays en développement, et les politiques commerciales fédérales qui avantagent les fabricants des pays en développement. Lors de la fermeture de l'usine, en mars 2004, Levi Strauss propose aux 231 employés de Brantford une indemnité de départ ainsi que des programmes de recyclage et des services de conseil à ceux qui veulent trouver un nouvel emploi.

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